Portrait(s) d’une résistance. Ukraine 2004-2022. Justyna Mielnikiewicz
Exposition de photographies à l’extérieur.
La Maison des journalistes, 35 rue Cauchy, 75015 Paris
A partir du 03 mai 2022
Inauguration
MARDI 3 MAI 2022 / 11h30 à la Maison des Journalistes
Les grilles de l’Hôtel de Ville de Paris
10 mai – 20 juin 2022
Gratuit
« Les Ukrainiens n’ont ni voulu ni attendu cette guerre. La façon dont ils y ont fait face est extraordinaire et incarne en même temps l’histoire universelle de la lutte d’une nation contre la tourmente qui lui est imposée. »
Justyna Mielnikiewicz
Depuis 2004, Justyna Mielnikiewicz, photographe polonaise installée à Tbilissi (Géorgie), documente l’Ukraine, ce qui fait de son travail un projet unique de long terme sur le pays. En février 2022, elle revient en Ukraine pour continuer son projet et c’est là, à Dnipro, qu’elle est surprise par l’invasion russe et la guerre qui éclate le jeudi 24 février. Face à cet événement, elle décide d’y poursuivre son travail et de documenter les 3 premières semaines de la guerre, entre autres à Lviv, à Kyiv et à Dnipro.
Devant l’objectif de Justyna Mielnikiewicz, des gens ordinaires, des Ukrainiennes et des Ukrainiens vivent dans l’ombre de la guerre. Elle capte leur quotidien, dévoile au monde la réalité d’une vie en guerre, en dressant le portrait d’un peuple solidaire en résistance. Le regard de Justyna Mielnikiewicz est à la fois tendre et vigilant, car c’est aussi le regard d’une experte de l’Ukraine, de sa géographie et de son histoire, de sa diversité ethnique, culturelle, religieuse et linguistique. Ses photographies montrent la réalité ukrainienne dans toute sa complexité et dans ses paradoxes, bien éloignés de la propagande ou des généralités simplificatrices.
Le travail de Justyna Mielnikiewicz s’inscrit ici dans la longue tradition des photographes de guerre, témoins et relais d’une actualité violente où la vérité est souvent sacrifiée dans une autre guerre : celle de l’image et de la communication.
Depuis le mois de février, la Russie mène une guerre meurtrière à la fois sur le front et sur les mots. Ainsi, une désinformation calibrée pour remettre en doute l’existence d’une Ukraine indépendante sur la carte de l’Europe inonde les réseaux de communication et les discours. Le témoignage de Justyna Mielnikiewicz, à hauteur de femmes et d’hommes, se dresse comme un rempart pour la vérité, tout comme celui de nombreux journalistes accueillis par la Maison des journalistes, cette structure unique au monde engagée dans le respect de la liberté d’informer.
A l’occasion du 3 mai, Journée internationale de la liberté de la presse, l’Institut polonais de Paris, le Centre Culturel de l’Ambassade d’Ukraine en France et la Maison des journalistes inaugurent conjointement une exposition photographique grand format de Justyna Mielnikiewicz sur la façade de la Maison des journalistes. Une exposition comme un soutien à l’engagement des professionnels des médias, présents sur les terrains de guerre en dépit des dangers et à l’ensemble des Ukrainiens, résistants pour la liberté de l’Ukraine et du monde tel que nous le connaissons.
Conjointement, l’exposition s’intègre à la programmation spéciale pour célébrer les 20 ans de la Maison des journalistes, ainsi qu’aux célébrations nationales polonaises de la Constitution du 3 mai 1791.
Photo : Justyna Mielnikiewicz / MAPS
Justyna Mielnikiewicz :
L’invasion militaire de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a été un choc pour les Ukrainiens, mais pas une surprise. Ils étaient en guerre depuis 2014, depuis que des soldats russes en uniformes verts sans insignes ont annexé la Crimée, se cachant derrière le paravent de séparatistes locaux à Slovyansk, Krematorsk puis Donetsk. La Russie a occupé le territoire du Donbass et a entretenu la guerre interétatique qui couve depuis lors, en rejetant d’une façon mensongère toute la responsabilité sur l’Ukraine.
Depuis l’effondrement de l’Union Soviétique, la Russie et l’Ukraine ont pris des chemins différents dans leur développement politique. Chacune des deux révolutions en Ukraine a accéléré le processus de rupture avec le passé soviétique. L’Ukraine a commencé à se tourner vers l’Ouest en quête de sécurité et de partenaires fiables, d’autant plus depuis 2014, c’est-à-dire depuis que la Russie a envahi son territoire. La Russie, après une très courte période d’ouverture relative sous la présidence de Boris Eltsine, a fait machine arrière et a commencé à s’inspirer de l’ère soviétique dans son mode de gouvernement dès l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine. Alors que la loi ukrainienne sur la décommunisation a interdit toute forme de glorification du passé soviétique (et que le parti communiste a été rendu illégal), la Russie a fait le contraire. Staline y sert d’exemple d’un dirigeant habile, presque d’un réformateur (!) tandis que le parti communiste joue le rôle d’une opposition approuvée par l’Etat pour maintenir l’apparence de la démocratie.
Cet écart entre les deux pays n’a cessé de se creuser. Mais pour le gouvernement russe, l’Etat ukrainien est une création factice et, en février 2022, les Russes sont passés à l’action pour prendre ce qu’ils considèrent leur appartenir.
J’étais à Dnipro lorsque la guerre a commencé. Dès le premier matin, un groupe de volontaires locaux qui en 2014 avait joué un rôle central lors des premiers mois de l’agression en s’opposant à celle-ci, était de nouveau en action, mettant en place une structure pour aider les personnes déplacées et les combattants volontaires. La résistance à l’échelle nationale se poursuit tandis que la guerre continue. Des citoyens locaux affrontent les chars russes à mains nues, comme à Melitopol ou à Kherson.
Le travail présenté ici relie le projet de long terme que je mène depuis 2014 avec les photographies faites pendant les premières semaines de la guerre de 2022. Le fleuve Dnipro est redevenu l’une des lignes de défense, un soldat en soi – aux côtés d’une armée de vrais soldats sur les lignes de front, d’informaticiens menant la guerre de l’information ou de volontaires à l’arrière, qui remplissent toutes les autres tâches de soutien nécessaires.
Pour ma part, je répéterai ici l’introduction de mon livre Ukraine runs through it dans lequel a été publiée la première partie de mon projet en 2019. A de nombreux égards, la guerre de 2022 amplifie beaucoup de propos qui y ont été formulés :
« L’idée initiale du projet Ukraine Runs Through It était de documenter le pays loin de la politique quotidienne avec le fleuve Dnipro comme ligne de référence métaphorique. Lorsque j’ai commencé à photographier au printemps 2014, j’ai dû ajuster ce concept. Être témoin de l’impact immédiat et profond de la révolution et de la guerre sur la vie quotidienne des gens est devenu un élément important de mon travail, un courant sous-jacent inhérent au projet avec le fleuve en son cœur.
Mykola (Nicolas) Gogol, dans son essai intitulé Un regard sur la composition de la Petite Russie, a écrit que « beaucoup de choses dans l’histoire ont été décidées par la géographie ». Alors que dans le passé, le paysage a souvent servi de barrière naturelle aux envahisseurs, ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui.
Néanmoins, le fleuve Dnipro a souvent été représenté comme une ligne de démarcation entre la partie occidentale ukrainophone du pays et les territoires de l’est de l’Ukraine, dominés par la langue russe. Aujourd’hui, c’est une perception artificielle, d’autant plus après les révolutions de Maïdan et la guerre actuelle. Le concept de la « Petite Russie » est enterré dans le passé et se voit remplacé par le pays indépendant et libre de son destin qu’est l’Ukraine.
Il en va de même pour la question artificielle des divisions fondées sur la langue. Les droits linguistiques des russophones ont été utilisés comme un prétexte pour diviser les gens selon une ligne Est-Ouest renforcée afin de susciter des tensions. En réalité, de nombreux Ukrainiens ethniques utilisent le russe comme leur première langue et un grand nombre de Russes ethniques s’identifient comme des patriotes ukrainiens.
Historiquement, la lingua franca de l’Ukraine orientale, en particulier dans les grandes villes industrielles, tend à être le russe, tandis que dans la partie occidentale du pays, l’ukrainien littéraire est plus largement utilisé. Pourtant, en privé et dans les médias, les gens se servent tantôt d’une langue tantôt de l’autre de façon très naturelle lorsqu’ils s’adressent les uns aux autres.
Mon livre couvre une période qui a débuté à la fin de la Révolution de la Dignité, qui est à mon avis l’une des périodes les plus fascinantes de l’histoire de l’Ukraine moderne. Peu d’événements survenus depuis la chute du communisme dans l’espace post-soviétique ont eu des conséquences internationales aussi importantes, impliquant à la fois l’Europe occidentale et les États-Unis. Ce qui a commencé comme une manifestation contre un gouvernement corrompu a conduit à l’émergence d’un nouveau leadership, mais aussi à une guerre avec la Russie avec pour résultat une transformation massive de la société.
Les Ukrainiens n’ont ni voulu ni attendu cette guerre. La façon dont ils y ont fait face est extraordinaire et incarne en même temps l’histoire universelle de la lutte d’une nation contre la tourmente qui lui est imposée.
Les récits rassemblés ici sont le témoignage d’expériences individuelles sur fond de problèmes fondamentaux, moteurs de la transformation d’un pays et de sa société. »
Justyna Mielnikiewicz, photographe polonaise, vit à Tbilissi, en Géorgie, depuis 2003. Ses travaux ont été publiés dans le monde entier entre autres par le New York Times, Newsweek, Le Monde, Stern et National Geographic. Elle a été lauréate du World Press Photo, de la Bourse Canon de la Femme Photojournaliste , du prix du jeune photographe du Caucase de la Fondation Magnum, de l’Aftermath Project Grant et du Eugene Smith Fund. La plus grande partie de son travail est consacrée à des projets personnels de long terme, publiés sous forme de livres: Woman with a Monkey- Caucasus in Short Notes and Photographs (2014), Ukraine Runs Through it (2019). Ce dernier a été présélectionné parmi les 20 meilleurs livres par Paris Photo et Aperture. Justyna Mielnikiewicz est représentée par l’agence MAPS.
Infos pratiques :
« Portrait(s) d’une Résistance. Ukraine 2004-2022. Justyna Mielnikiewicz »
Exposition de photographies en extérieur.
La Maison des journalistes, 35 rue Cauchy, 75015 Paris
A partir du 03 mai 2022
Gratuit
Inauguration
MARDI 3 MAI 2022 / 11h30 à la Maison des Journalistes
Grilles de l’Hôtel de Ville, 29 Rue de Rivoli, 75004 Paris
Du 10 mai au 20 juin 2022
Gratuit