Archéologie du textile : restituer les costumes du pouvoir de la Nubie chrétienne (6e – 14e siècles)
Les midis de l’archéologie
Conférences
12H30
17 Octobre 2024
AUDITORIUM DU LOUVRE MICHEL LACLOTTE
Profitant du réseau de la communauté des nubiologues de l’Université de Varsovie, le Dr Karel Innemée réalise son projet intitulé “Créations de pouvoir. L’image de la famille royale et du clergé dans la Nubie médiévale”. En raison du nombre très limité des sources historiques, les recherches sur ce royaume lointain sont extrêmement difficiles. Pour en savoir plus sur le royaume médiéval de Makouria, le chercheur s’est tourné vers les sources iconographiques. Les données archéologiques et iconographiques demeurent les principales sources d’information pour les chercheurs.
Dans la partie dédiée à la recherche archéologique et historique du projet, le Dr Innemée a examiné, en collaboration avec le Dr Magdalena Woźniak-Eusèbe et le Dr hab. Dobrochna Zielińska, comment le christianisme, foi nouvelle arrivée en Nubie depuis Constantinople au 6e siècle, a influencé les costumes officiels royaux et religieux. Tout comme aujourd’hui, les robes et les éléments décoratifs des vêtements constituaient un système de communication non verbale dans lequel chaque élément avait sa propre signification.
Pour mieux saisir l’aspect matériel des costumes – comprendre leur structure, leur volume et leur poids – une partie du projet a été dédiée à la création de cinq silhouettes, basées sur les peintures qui décoraient autrefois les murs de la cathédrale de Faras. La sélection finale comporte deux costumes de rois, deux costumes de mères royales (une position importante à la cour, garantissant l’héritage du pouvoir, caractéristique de la culture nubienne) et un costume d’évêque.
Les archéologues de l’Université de Varsovie, chargés d’analyser le matériel archéologique, ont bénéficié de la collaboration avec les designers de l’Université SWPS, qui ont apporté leurs connaissances pratiques basées sur la connaissance de l’économie du mouvement, de la construction de vêtements, des tissus et des méthodes de teinture et de décoration. La première étape du processus de restitution consistait à recréer les couleurs historiques des vêtements royaux et sacerdotaux. Les designers se sont basés sur les recherches du Dr Magdalena Woźniak de l’Université de Varsovie sur les textiles archéologiques et sur l’expertise unique du Dr Hab. Katarzyna Schmidt-Przewoźna de l’USWPS dans le domaine de la teinture naturelle. Pour retrouver des teintes similaires à celles visibles dans les peintures, il était important non seulement de connaître les teintures, mais aussi d’être informé sur la production et le commerce textile de la Nubie médiévale. A partir de la palette de couleurs recréée par le prof. Schmidt-Przewoźna, les designers Dorothée Roqueplo et Agnieszka Jacobson-Cielecka ont choisi les couleurs les plus proches des couleurs originales, en les comparant notamment avec les collections du Centre de recherche textile de Leiden (Pays-Bas) et les peintures de Faras du Musée national de Varsovie.
Après la teinture, les tissus ont été décorés de motifs imprimés au pochoir, de broderie et d’appliqués. Les étoles et la mappa de l’évêque (une sorte de mouchoir synonyme de statut social élevé, issu de la culture byzantine) ont été brodées à la main par Alicja Kozłowska et Anastasia Bernatowicz, diplômées de l’institut School of Form de l’Université SWPS, ainsi que Lena Nowak. L’équipe de créatrices, couturières et décoratrices était dirigée par Dorothée Roqueplo. Pour les accessoires tels que les couronnes ou les croix de bénédiction, qui étaient à l’origine en or, ils ont été recréés en laiton rehaussé de pierres de joaillerie, naturelles et synthétiques, par Bartosz Wiking Głowacki et Kuba Łagunionok.
Les projets “Créations de pouvoir. L’image de la famille royale et du clergé dans la Nubie médiévale” et “Dress to impress” sont un exemple unique de coopération académique transdisciplinaire, qui apporte non seulement de nouvelles connaissances et permet leur vulgarisation, mais démontre également que les objets et phénomènes du passé peuvent résonner dans une dimension contemporaine.
Photos : Paulina Matusiaket Eddy Wenting.