6.09.2025 À lire, article

Lecture nationale 2025 – Jan Kochanowski et Ronsard

Jan Kochanowski, figure majeure de la Renaissance polonaise, est souvent comparé à Pierre de Ronsard (1524-1585), le « Prince des poètes » français.
Qu’est-ce qui rapproche le poète né en 1530 à Sycyna, près de Radom, dans le Royaume de Pologne — devenu en 1569 la République des Deux Nations — du Vendômois ? Quelques ressemblances biographiques d’abord : les deux gentilshommes-poètes ont connu une jeunesse studieuse, occupé des charges curiales et choisi le retrait du monde dans la dernière partie de leur vie. Le jeune Kochanowski étudie d’abord à l’Académie de Cracovie, à l’université de Königsberg et à celle de Padoue, l’un des foyers de l’humanisme renaissant. En 1564, il devient le secrétaire du roi Sigismond-Auguste. Vers 1570, il se retire dans son domaine à Czarnolas, où il se marie, où naissent ses enfants et où il demeure jusqu’à sa mort, en 1584, à Lublin.
Dans l’Élégie VIII, composée en latin vers 1559, Kochanowski déclare avoir vu Ronsard (« Ronsardum vidi ») : « J’ai vue l’illustre Ronsard modulant ses chants / Sur un luth national, et je fus étonné comme si / J’avais entendu Orphée ou Amphion élevant par ses chants / Les murailles d’une Thèbe nouvelle » (v. 20-24, trad. E. Marek). Ces vers énigmatiques ont suscité beaucoup de débats parmi les spécialistes. S’agissait-il, comme le pensait notamment le biographe et traducteur de Kochanowski Jacques Langlade, d’une rencontre réelle ayant eu lieu à Paris en 1559 ? Cela n’est pas exclu, mais il est plus probable que cette élégie soit une expression de révérence envers le premier poète de la cour de France capable d’égaler les poètes antiques.
Il faut constater qu’à cette époque, Kochanowski compose les premiers chants inspirés d’Horace dans sa langue natale. Comparés aux Odes de Ronsard (1550), ils seront publiés seulement en 1586. Son poème polémique, Le Satyre ou l’Homme sauvage (1564), peut être mis en parallèle avec L’Institution pour l’adolescence du roi très-chrétien (1562), sa courte épopée nationale L’Étendard (1569) avec La Franciade (1572) et, enfin, ses Thrènes (1580), dix-neuf élégies sur la mort de sa fille en bas âge, avec le cycle ronsardien sur la mort de Marie.
Contrairement à Ronsard, Kochanowski compose des genres dramatiques à l’antique, créant notamment Le Renvoi des ambassadeurs grecs (1578), une tragédie reprenant un épisode de l’Iliade, et se livre à des paraphrases bibliques : en 1579, il publie le Psautier de David dans une traduction polonaise.
Jan Kochanowski poursuit en polonais un programme poétique similaire à celui réalisé par les poètes de la Pléiade française. En s’inspirant de l’héritage antique, il introduit dans la littérature polonaise des genres classiques tels que l’ode, l’élégie, l’épigramme, la tragédie, l’épopée, l’épître, la satire ou l’églogue. Il s’inspire des thèmes mythologiques et épicuriens, tout en renouvelant le vocabulaire poétique.
Même si l’influence directe de Ronsard sur Kochanowski demeure incertaine, il est évident que ce dernier, par son œuvre, a incarné en Pologne ce que fut son contemporain en France : le premier poète national qui a défendu la dignité de la poésie vernaculaire en s’inscrivant dans une démarche humaniste.

Natalia Wawrzyniak

Source : Wawrzyniak, Natalia, « Jan Kochanowski (1530-1584) – un émule polonais de Ronsard ? », Versants, 71(1), 2024 : https://doi.org/10.22015/V.RSLR/71.1.9

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